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Enjeux politiques : pourquoi la politique environnementale du Canada est plus problématique que productive

Enjeux politiques : pourquoi la politique environnementale du Canada est plus problématique que productive

Le présent numéro d’Enjeux politiques met en lumière les failles du processus et de la politique environnementale du Canada.

27 mai 2025

Les ressources naturelles du Canada – notamment le pétrole, le gaz, les minéraux critiques, le bois d’œuvre et l’aluminium – représentent près de 20 % de notre PIB et 58 % de nos exportations vers les États-Unis. Comme ces industries sont essentielles au renforcement de notre sécurité nationale, économique et énergétique, et à l’affirmation de notre souveraineté, il est important que le gouvernement reconnaisse la gravité de notre situation économique et qu’il ne lui nuise pas – involontairement ou non –par une politique environnementale prescriptive.

Il n’est guère utile que le premier ministre Carney mette de l’avant des politiques que le prochain gouvernement conservateur fera disparaître. Cependant, il existe bien un terrain d’entente auquel souscrivent les entreprises et la Chambre de commerce du Canada est heureuse de contribuer à tracer cette voie.


L’économie et l’environnement doivent progresser de concert

L’extraction, le raffinage et le transport des ressources naturelles de base peuvent être à forte intensité de carbone et ces activités contribuent dès lors aux émissions nationales et mondiales. Dans l’intérêt des générations futures, nous devons tendre vers un avenir qui valorise la décarbonation et les technologies propres. Cela dit, nous ne pouvons ignorer l’impact qu’ont et que continueront d’avoir nos politiques environnementales sur notre stabilité économique, notre résilience et notre souveraineté. Le présent numéro d’Enjeux politiques met en lumière les failles du processus et de la politique environnementale du Canada.

Avant les élections fédérales, de nombreux acteurs de l’industrie des ressources ont imploré les décideurs politiques à Ottawa de préserver la taxe industrielle sur les émissions carboniques. En effet, de multiples investissements ont déjà été réalisés, et le secteur canadien des ressources naturelles est sur le point d’obtenir un rendement sur le capital investi. De plus, si nous avons l’intention de construire des routes commerciales vers l’Europe, les exportateurs ont besoin de ces politiques pour obtenir une licence commerciale européenne.

Jusqu’à présent, la mise en œuvre de la politique de réduction des émissions n’a pas répondu aux attentes. L’intervention des pouvoirs publics a engendré des inefficacités et des risques économiques plutôt que de la clarté et de la cohérence, ce qui complique la tâche des entreprises s’agissant de se conformer à la réglementation tout en continuant à fonctionner de manière efficace et transparente.

Pourquoi est-ce le cas? Parce que des intentions louables ne produisent pas automatiquement les résultats escomptés. S’il est souhaitable de fixer des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions, tous les objectifs ambitieux doivent être assortis d’une porte de sortie. Le fait de ne pas atteindre un objectif ambitieux ne doit pas être considéré comme un échec, pour autant qu’il soit associé à des politiques fondées sur les quatre principes énoncés par le gouvernement lui-même :

  1. Les règlements protègent et favorisent l’intérêt public et appuient la saine gouvernance.
  2. Le processus réglementaire est moderne, ouvert et transparent.
  3. La prise de décisions réglementaires se fonde sur des données probantes.
  4. Les règlements soutiennent une économie équitable et concurrentielle.

Cependant, les politiques environnementales du gouvernement ne respectent pas ces principes directeurs et, par conséquent, souffrent d’un manque de réalisme, de transparence et de preuves et nuisent à l’économie et aux entreprises qui font fonctionner notre économie. Par ailleurs, les quatre principes doivent être pris en considération dans le contexte du changement de l’ordre commercial mondial ainsi que de notre souveraineté et de notre sécurité économique.

Réalisme


Nous devons faire preuve de réalisme quant au rôle important que jouent les ressources naturelles dans l’économie canadienne et de pragmatisme quant à ce que nous pouvons raisonnablement faire et à quel moment. Cela signifie qu’il faut se projeter au moins dix ans dans l’avenir pour anticiper les répercussions sur le PIB, l’emploi et l’industrie visée par la réglementation. Comme les émissions passent outre aux frontières nationales, le Canada doit non seulement s’efforcer de réduire ses propres émissions, mais aussi reconnaître le rôle unique qu’il peut jouer dans la réduction des émissions mondiales. En tant que nation responsable et fiable, le Canada peut contribuer à fournir au monde les minéraux critiques, le GNL, l’énergie nucléaire, le pétrole, le gaz et les autres ressources nécessaires pour alimenter les économies.

Transparence


Les Canadiens ont un droit fondamental à ce que l’on fasse preuve de clarté et d’honnêteté en matière de politiques publiques. Après tout, la raison d’être du gouvernement est de servir la population – et cette responsabilité implique de veiller à ce que les citoyens soient pleinement informés et activement associés aux décisions qui façonnent leur avenir. La dissimulation de faits, la présentation erronée des coûts et l’absence de consultation sont autant d’éléments qui sapent la confiance du public, notamment lorsque le discours gouvernemental est diffusé par les médias comme s’il s’agissait d’un fait avéré.

Preuves


Il est difficile d’élaborer une politique avisée lorsque chacun se fonde sur des données différentes et personne ne parvient pas à se mettre d’accord sur les faits fondamentaux. Pourtant, les avis des experts de l’industrie sont souvent laissés pour compte et la participation aux consultations peut sembler futile. Il est également établi que le gouvernement a recours à diverses méthodes d’analyse coût/bénéfice (ACB) pour évaluer l’impact de sa réglementation. Cependant, les acteurs de l’industrie ont souvent remis en question les approches analytiques retenues, faisant valoir qu’elles pouvaient sous-estimer les coûts de mise en conformité ou surestimer les avantages projetés. Les entreprises et les Canadiens souhaitent un véritable dialogue et que les problèmes soient résolus, et non une réglementation unilatérale – tel devrait également être le cas du gouvernement.


Exemples

Lorsque la politique environnementale est élaborée en faisant abstraction du point de vue économique, de réalisme, de transparence et de preuves, le résultat ressemble aux quatre exemples évoqués ci-après.

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Plafonnement des émissions

En novembre 2024, le gouvernement a annoncé le projet de Règlement sur les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier, « visant à fixer une limite claire à la pollution par les gaz à effet de serre générée par la production pétrolière et gazière ». Le plafond fut fixé à 35 % sous les niveaux d’émissions de 2019. Ce projet de Règlement était censé plafonner la pollution, et non la production.

La réalité : La demande internationale croissante d’énergie nécessite du Canada qu’il produise plus de pétrole et de gaz, et non moins. Ce projet de règlement, qui ne tient pas suffisamment compte des préoccupations ou des réalités de l’industrie, rendra le Canada non concurrentiel dans la lutte visant les capitaux mondiaux qui, en fait, encouragent les investissements dans les technologies de décarbonation comme les projets de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSS).

La production de pétrole n’est pas une activité qu’il est possible d’engager et d’interrompre inopinément. En effet, toute interruption de production endommage le gisement de façon permanente, ce qui réduit à jamais notre approvisionnement.

En mars 2025, le directeur parlementaire du budget (DPB) confirmait les avertissements répétés de la Chambre de commerce du Canada et des dirigeants de l’industrie : le projet de règlement sur le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre du secteur pétrolier et gazier limitera directement la production, coûtera des emplois et rendra le Canada et ses citoyens économiquement plus vulnérables. Le gouvernement indiquait « qu’au cours de la période visée par la présente analyse, soit de 2025 à 2032 […]. Il est également estimé que le projet de règlement aurait des répercussions supplémentaires sur l’économie estimées à 3,3 milliards de dollars, ainsi que certains coûts administratifs pour l’industrie et le gouvernement évalués à 219 millions de dollars. » L’évaluation de l’incidence du DPB révélait quant à elle que la réduction requise des niveaux de production du secteur pétrolier et gazier en amont réduirait le PIB nominal de 20,5 milliards de dollars.

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Règlement sur l’électricité propre

Finalisé en décembre 2024, le Règlement sur l’électricité propre « établira des limites sur la pollution par le dioxyde de carbone provenant de presque toutes les installations de production d’électricité qui utilisent des combustibles fossiles ».

La réalité : Le réseau électrique canadien est de plus en plus sollicité pour fournir une électricité propre, fiable et abordable à de nombreux secteurs économiques, ce qui favorise la création d’emplois et la croissance. Pour répondre à la demande, le réseau devra être multiplié par trois d’ici 2050! Il est essentiel que la politique fédérale soutienne cette expansion.

Du fait d’une consultation insuffisante de l’industrie, le Règlement sur l’électricité propre proposé ira à l’encontre de cet objectif dans de nombreuses régions du Canada et laissera un réseau électrique coûteux et peu fiable par rapport à celui que l’on retrouve dans des nations comparables, ce qui entravera la croissance économique et les investissements au Canada.

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Le mandat en matière de véhicules Zéro émission

Les objectifs des ventes des véhicules Zéro émission fixés par le gouvernement constituent un autre exemple de politique déficiente : « Pour décarboniser le transport routier, […] le gouvernement du Canada s’est engagé à atteindre un objectif obligatoire de vente de 100 % de véhicules zéro émission d’ici 2035 pour tous les nouveaux véhicules légers, y compris des objectifs provisoires d’au moins 20 % d’ici 2026 et d’au moins 60 % d’ici 2030… ».

La réalité : Le fait d’introduire un mandat en matière de véhicules Zéro émission tout en annonçant simultanément la fin du programme fédéral d’incitations pour les véhicules à zéro émission – et alors que certaines provinces suspendent ou interrompent leurs propres programmes – envoie des signaux contradictoires et témoigne d’une politique incohérente. En outre, sans la présence d’une infrastructure de recharge adéquate dans les municipalités et à travers le pays – rendue possible par un réseau électrique canadien – les conducteurs ne seront pas en mesure de recharger leurs véhicules de manière efficace et fiable. De même, sans une augmentation réciproque sur le plan du nombre ou du volume au chapitre de l’extraction des minéraux critiques, des chaînes d’approvisionnement et de la production automobile, l’objectif d’une augmentation des ventes de 20 % n’est pas réaliste.

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Modification des dispositions sur l’écoblanchiment du projet de loi C-59

Entré en vigueur le 20 juin 2024, le projet de loi C-59 apporte des changements importants à la Loi sur la concurrence, y compris sous la forme de nouvelles dispositions ciblant les allégations environnementales trompeuses visant à améliorer la réglementation sur l’écoblanchiment. La modification prévoit notamment un déplacement de la charge de la preuve vers les entreprises, obligeant ces dernières à justifier les allégations environnementales par une « méthodologie internationalement reconnue ». Il s’agit là d’un changement important par rapport aux normes précédentes.

D’application large, la modification vise non seulement la publicité destinée aux consommateurs, mais aussi toutes les déclarations environnementales faites aux investisseurs, aux organismes de réglementation, aux partenaires ou au public. Elle touche les entreprises privées, les associations industrielles et les intervenants de presque tous les secteurs de l’économie canadienne.

La réalité : Non seulement cette modification tardive est-elle inutile et fait-elle double emploi avec les cadres de présentation des rapports déjà mis en place par le gouvernement canadien, mais elle va également à l’encontre de l’objectif de la Loi sur la concurrence elle-même. S’il est important de s’attaquer aux allégations environnementales trompeuses, les nouvelles dispositions créent un environnement réglementaire plus complexe et plus incertain. Elles entravent une communication ouverte, risquent d’étouffer l’innovation et découragent la participation de l’industrie à l’action climatique. Au lieu de soutenir les objectifs nets zéro du Canada, la modification a commencé à réduire au silence les efforts déployés de bonne foi par les entreprises afin de contribuer aux progrès environnementaux.


Recommandations

Les réglementations environnementales actuelles, comme les réglementations précitées, risquent de faire perdre au Canada son influence stratégique dans les efforts mondiaux en matière d’énergie et d’émissions, ainsi que de provoquer une stagnation et un déclin économiques, avec pour conséquence une baisse du niveau de vie de tous les Canadiens. Nous ne pouvons laisser une telle situation se produire.

La question ne concerne pas notre ambition ou nos intentions. L’objectif est plutôt d’instaurer un équilibre des leviers de sorte que le Canada puisse atteindre ses objectifs de réduction des émissions de manière réalisable et responsable. Pour faire progresser l’économie et l’environnement de concert, nous formulons au gouvernement les recommandations suivantes :

  • Traiter l’industrie comme une véritable partie prenante.
  • Permettre une consultation constructive de la population et de l’industrie.
  • Situer tous les règlements environnementaux dans une perspective économique.
  • Collaborer avec les milieux d’affaires afin d’instaurer un environnement prévisible pour les entreprises et concurrentiel pour les investissements.

Nous vous invitons à vous référer au Conseil de la sécurité énergétique et au Conseil de la décarbonisation et des technologies propres pour en apprendre plus sur la façon dont nous travaillons avec les membres sur ce sujet important.

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