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Enjeux politiques : Le problème de la productivité au Canada

Enjeux politiques : Le problème de la productivité au Canada

Une composante essentielle de la prospérité économique et est liée à notre qualité de vie.

Outre l’inflation et les taux d’intérêt, vous avez probablement remarqué que la productivité du Canada en 2023 fait l’objet de nombreuses conversations politiques et d’une grande attention de la part des médias. La productivité est un sujet important, car elle est une composante essentielle de la prospérité économique et est liée à notre qualité de vie. Malheureusement, la productivité du Canada a reculé au cours de 11 des 12 derniers trimestres.

Qu’est-ce que la productivité?

La productivité est mesurée par le produit intérieur brut (PIB) créé par heure travaillée. Plus le PIB créé par heure est important, plus la productivité du pays est élevée. Selon les données de l’OCDE pour 2022, nous produisons 1,13 USD de PIB par minute. Par rapport à certains pays du G7, comme la France (1,39 USD), l’Allemagne (1,45 USD) et les États-Unis (1,50 USD), ou même par rapport à la moyenne du G7 (1,31 USD), il est évident que nous pouvons faire mieux.

Ce tableau n’est disponible qu’en anglais.

Une autre façon de concevoir la productivité est de se baser sur les intrants et les extrants. Les intrants sont tout ce dont une entreprise a besoin pour accomplir une tâche ou créer un produit. Ils comprennent la main-d’œuvre, l’équipement et les fournitures. La production est le résultat des intrants, qu’il s’agisse d’une voiture, d’une mise à jour logicielle ou d’un kilogramme de viande de bœuf. La productivité d’une entreprise augmente lorsqu’elle produit davantage d’extrants ou des extrants de plus grande valeur avec la même quantité d’intrants.  

L’adoption du travail à distance et l’incroyable potentiel de l’intelligence artificielle étaient censés être le moteur d’un boom de la productivité, mais l’enthousiasme ne s’est pas encore traduit dans les statistiques. Si le Canada a connu un pic de productivité à l’été 2020, nous sommes depuis revenus au niveau de 2016.

Si l’on considère que nous travaillons plus d’heures que de nombreuses autres économies développées, que nous nous classons en tête du G7 pour ce qui est du nombre de personnes titulaires d’un diplôme universitaire ou collégial, et que nous sommes à la pointe de l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle, notre productivité ne devrait pas faire du surplace. Alors, que se passe-t-il?

Les obstacles à la productivité

Plusieurs facteurs influencent nos piètres résultats en matière de productivité :

Pénurie de main-d’œuvre qualifiée

Les pénuries de personnel qualifié nuisent à la productivité et, à l’heure actuelle, le Canada est confronté à une demande croissante de travailleurs qualifiés dans tous les secteurs d’activité. Ce besoin est particulièrement important dans les domaines nécessitant des compétences spécialisées, comme les technologies de fabrication avancées, l’exploitation minière et l’agriculture.

Transport de marchandises

Le Canada est un grand pays et il n’est pas toujours facile d’acheminer des marchandises entre les provinces pour deux raisons : la bureaucratie qui complique le commerce interprovincial et les perturbations fréquentes des infrastructures de commerce et de transport dues à des conditions météorologiques extrêmes comme les inondations, les incendies et la neige, ou à des grèves qui s’étendent sur plusieurs semaines. Ces perturbations, évitables ou non, interrompent la chaîne d’approvisionnement et augmentent le coût des marchandises.

Manque de concurrence

Les obstacles à la concurrence étrangère au Canada sont parmi les plus élevés par rapport à d’autres pays économiquement avancés. Or, en l’absence d’une concurrence suffisante, les entreprises dont la productivité est médiocre sont capables de prendre le contrôle du marché. Au Canada, 5 à 7 % des entreprises sont considérées comme des entreprises zombies, c’est-à-dire des entreprises de plus de 10 ans qui seraient insolvables si elles ne bénéficiaient pas d’une injection constante de nouveaux capitaux, souvent de la part du gouvernement. Ce climat commercial ne pousse pas nos entrepreneurs à exceller ni nos entreprises à innover.

Forte proportion de petites entreprises

Les petites et moyennes entreprises (PME) canadiennes font partie intégrante de notre économie, puisqu’elles représentent 98 % de l’ensemble des entreprises. Cependant, elles sont moins productives que leurs homologues d’autres pays et que les grandes entreprises canadiennes. Pourquoi? Les deux principales raisons sont a) le recours à des méthodes inefficaces et b) la lenteur de l’adoption de la technologie et de l’intelligence artificielle.

Méthodes inefficaces
La plupart des PME continuent de miser sur des méthodes moins efficaces pour améliorer leur productivité. Une étude économique réalisée en 2023 par Desjardins a révélé que les tactiques couramment utilisées, comme l’augmentation des salaires (taux d’utilisation de 82 %) et l’assouplissement des horaires de travail (taux d’utilisation de 70 %), n’ont un taux de réussite que de 31 % et 38 % respectivement. En revanche, l’investissement dans l’automatisation a un taux de réussite de 81 %, mais un taux d’utilisation de 33 % seulement.

Lenteur de l’adoption des technologies
La même étude de Desjardins a montré que les PME matures sur le plan numérique se développent plus rapidement et sont plus résilientes. Pourtant, seulement 6 % des entreprises canadiennes, tous secteurs confondus, prévoient d’adopter l’IA au cours des 12 prochains mois, selon le rapport du Laboratoire de données sur les entreprises de l’Enquête canadienne sur situation des entreprises du T1 2023.

Bien que de nombreuses organisations dans tous les secteurs fassent de grands progrès dans l’adoption des technologies, en général, les secteurs comptant une grande part de PME, comme l’agriculture et la sylviculture, la construction et l’immobilier, sont parmi les moins susceptibles d’adopter de nouvelles technologies.

  • Seulement 3 % des entreprises des secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de la construction et 6 % des entreprises du secteur de l’immobilier prévoient d’adopter l’IA.
  • Seulement 3 % des entreprises des secteurs de l’agriculture, de la sylviculture et de l’immobilier et 4 % des entreprises du secteur de la construction prévoient de transférer leurs activités en ligne.
  • Seulement 3 % des entreprises du secteur de la construction et 4 % des entreprises du secteur de l’immobilier prévoient d’automatiser des tâches.

Cependant, nous ne pouvons pas parler des PME sans reconnaître les obstacles à la productivité auxquels elles sont également confrontées.

Complexité réglementaire
Les PME sont souvent confrontées à un environnement réglementaire complexe qui les oblige à se conformer aux réglementations fédérales, provinciales et municipales. S’y retrouver dans ces réglementations peut être long et exigeant en termes de ressources, ce qui entraîne des retards et une augmentation des coûts.

Manque d’accès aux capitaux
L’accès à des capitaux abordables est essentiel pour les PME qui cherchent à investir dans la technologie, la recherche et le développement, et l’expansion. Les difficultés à obtenir du financement peuvent limiter la capacité d’une entreprise à innover, ce qui est lié à la productivité (nous en parlerons plus en détail dans Comment accroître la productivité du Canada).

La relation entre l’inflation et la productivité

L’inflation (un autre sujet d’actualité en 2023, qui préoccupe beaucoup les entreprises et les consommateurs) se produit lorsque :

  • La demande de biens et de services est supérieure à l’offre.
  • Lorsque les coûts de production ou d’intrants augmentent, mais pas la production.

Dans les deux cas, les prix des biens et des services augmentent pour le consommateur, ce qui entraîne une « perte de pouvoir d’achat ». Lorsque les revenus ne suivent pas l’augmentation des coûts, le niveau de vie du consommateur s’en ressent.

Au Canada, les salaires ont augmenté de manière substantielle, mais il n’y a pas eu d’augmentation complémentaire de la productivité. Cela oblige les entreprises à licencier du personnel ou à augmenter le coût de leurs produits, ce qui alimente le cycle de l’inflation.

Comment accroître la productivité du Canada

La productivité est essentielle à notre qualité de vie à long terme, et il est donc primordial de redresser rapidement la situation. Favoriser une économie innovante est l’un des meilleurs moyens d’améliorer la productivité du Canada. Voici ce que cela impliquerait :

Renforcer l’investissement en agriculture

L’agriculture est l’un des secteurs les plus importants du Canada sur le plan économique. Le gouvernement pourrait contribuer à améliorer la productivité du secteur grâce à l’innovation en établissant des partenariats avec des entreprises pour la recherche, le développement de produits et la commercialisation du secteur agroalimentaire. Il pourrait également élaborer des politiques de soutien pour inciter le secteur privé à investir dans la recherche et le développement.

Accroître l’adoption du numérique, de la technologie et de l’IA dans les entreprises canadiennes

La plupart des applications de l’IA dans les entreprises n’auront rien de spectaculaire, mais elles permettront d’améliorer l’efficacité en automatisant certaines tâches et en déchargeant les employés de certaines tâches administratives. Dans leur article d’opinion paru dans le Toronto Star, Catherine Fortin LeFaivre, vice-présidente de la politique stratégique et des partenariats mondiaux, et Ulrike Bahr-Gedalia, directrice principale de l’économie numérique, de la technologie et de l’innovation à la Chambre de commerce du Canada, écrivent ce qui suit : « Imaginez une entreprise de construction résidentielle qui utilise l’IA pour automatiser des centaines de factures émanant de ses corps de métier et de ses fournisseurs, ce qui donne aux employés plus de temps pour construire des maisons tout en les déchargeant de tâches administratives. Ou encore une entreprise qui utilise l’IA pour l’entretien prédictif de son parc automobile, ce qui permet de s’assurer qu’une pièce est remplacée avant qu’elle n’entraîne des temps d’arrêt imprévus et des retards de service. »

Investir dans une main-d’œuvre qualifiée
Pour accroître l’adoption du numérique, il faut notamment veiller à ce que le Canada dispose d’une main-d’œuvre qualifiée et adaptable, capable de mettre en œuvre et de gérer cette nouvelle technologie. La collaboration entre le secteur privé, les établissements d’enseignement et le gouvernement pour élaborer des programmes de formation, de perfectionnement et de recyclage contribuera à combler les lacunes de la main-d’œuvre. Il en va de même pour les programmes d’immigration stratégiques fondés sur les compétences et alignés sur les besoins régionaux en main-d’œuvre, ainsi que pour l’accélération du processus de reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger.

Soutenir la transformation numérique des PME

Les PME hésitent souvent à investir dans les nouvelles technologies en raison d’un manque de compétences et de connaissances techniques, de difficultés à recruter les travailleurs qualifiés qui pourraient utiliser ces technologies de manière avantageuse et de la difficulté à obtenir un soutien financier qui leur permettrait d’investir dans l’innovation. 

La politique gouvernementale et les mesures de soutien aux PME, comme la subvention Améliorez les technologies de votre entreprise du Programme canadien d’adoption du numérique, font partie intégrante de l’aide apportée aux PME pour surmonter les obstacles à l’adoption de nouvelles technologies et à l’innovation de leurs processus.

La rationalisation des processus réglementaires peut contribuer à réduire la charge qui pèse sur les PME, tandis que des cadres réglementaires clairs et efficaces peuvent minimiser les coûts de mise en conformité et les obstacles administratifs.

Garantir la protection de la propriété intellectuelle

Les droits de propriété intellectuelle (PI) sont une mesure de l’innovation, qui est liée à la productivité puisque l’innovation est l’amélioration significative d’un produit, d’un système ou d’un processus. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’amélioration de la productivité passe par une meilleure production, de plus grande qualité, et pas seulement par une augmentation de la capacité.

Pourtant, les entreprises canadiennes transfèrent souvent les brevets de leurs inventions à des entreprises étrangères.Comme l’a écrit Daniel Schwanen, vice-président de la recherche à l’Institut C.D. Howe, a écrit dans une lettre adressée en 2021 aux ministres de l’Ontario : « … le Canada est une économie de recherche et de production d’idées, qui voit relativement peu d’idées générées ici (ou qui s’emparent de celles générées ailleurs) commercialisées par des entreprises canadiennes ». Par conséquent, les inventeurs ne perçoivent pas les bénéfices de leurs inventions.

Assurer une protection solide, raisonnable et fiable de la propriété intellectuelle pour les produits innovants donnera aux innovateurs la confiance nécessaire pour investir des ressources importantes dans la R&D pendant de nombreuses années, ce qui finira par se répercuter sur nos niveaux de productivité.

Accroître les investissements en R et D

Parmi les pays du G7, le Canada occupe l’avant-dernière place pour ce qui est du pourcentage du PIB consacré à la recherche et au développement. Comme nous l’avons expliqué dans un précédent numéro d’Enjeux politiques, l’investissement dans la R et D est essentiel pour préparer, attirer et retenir les talents, et stimuler l’innovation qui permet au Canada de rester compétitif sur le marché mondial. Sans investissements adéquats dans la recherche et le développement, les entreprises et les pays sont confrontés à un déclin économique. Le Canada a besoin d’un écosystème de recherche et de développement qui soutienne les talents et les technologies capables de répondre aux problèmes urgents et émergents et aux possibilités de croissance économique.

Notre productivité n’est pas que chose que nous pouvons changer du jour au lendemain, mais elle joue un rôle trop important dans notre niveau de vie et notre capacité collective à payer les choses que nous voulons, y compris les services publics, pour la négliger.

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