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Mémoire pour l’étude du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments

Mémoire pour l’étude du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments

La Chambre de commerce du Canada a présenté ses observations au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes dans le cadre de l’étude du projet de loi C-64.

Le 17 mai 2024

Comité permanent de la santé
131, rue Queen, 6e étage
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6

Par courriel : HESA@parl.gc.ca

Objet : Mémoire donnant suite au projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments

La Chambre de commerce du Canada est heureuse de pouvoir présenter ses observations au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes dans le cadre de l’étude du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments.

Tous les Canadiens, peu importe leur âge, leur revenu ou l’endroit où ils habitent, devraient bénéficier d’un accès équitable à une assurance couvrant les médicaments sur ordonnance. Les mesures prises en ce sens permettront d’améliorer la santé publique au Canada, de réduire la pression sur un système de santé surchargé et de soutenir une main-d’oeuvre productive et en bonne santé. L’objectif du gouvernement de parvenir à une couverture universelle est louable, mais cela peut se faire sans mettre en place un système à payeur unique, compliqué et coûteux.

Selon les estimations d’un rapport[1] du directeur parlementaire du budget (DPB), les dépenses totales en médicaments dans le cadre d’un régime global à payeur unique s’élèveraient à 33,2 milliards de dollars au cours du premier exercice complet de mise en oeuvre, et passeraient à 38,9 milliards de dollars en trois ans. Les coûts supplémentaires projetés pour le secteur public se chiffrent, selon le même rapport, à 13,4 milliards de dollars après trois ans.

Le plus récent rapport [2] du DPB sur le projet de loi C-64 reconnaît le rôle essentiel des régimes d’avantages sociaux offerts par l’employeur dans la couverture des médicaments. Il précise en outre le coût réel du projet de loi C-64, à savoir 5,7 milliards de dollars sur cinq ans. Ce rapport repose sur l’hypothèse que la couverture des régimes d’avantages sociaux au travail ne serait pas affectée par le projet de loi C-64, mais les dispositions du projet de loi n’appuient pas cette supposition. Toutefois, si c’était le cas, le coût du projet de loi C-64 serait considérablement réduit, soit de 2,5 milliards de dollars sur cinq ans.

Malgré ses coûts élevés, l’assurance médicaments universelle à payeur unique placerait en fait la plupart des Canadiens en moins bonne posture qu’avant. La réalité actuelle est que la majorité des Canadiens sont couverts par des régimes d’assurance médicaments offerts par leur employeur, ce qui leur permet d’accéder plus rapidement à un plus large éventail de médicaments. Les Canadiens couverts par un régime public attendent en moyenne plus de deux ans pour avoir accès aux nouveaux médicaments approuvés par Santé Canada. Ce délai est deux fois plus long que dans le cas des Canadiens qui bénéficient d’une assurance privée. Au cours de la période allant de 2018 à 2022, les Canadiens assurés au titre d’un régime privé ont eu accès à 64 % des nouveaux médicaments approuvés par Santé Canada, contre 18 % pour les Canadiens couverts par les régimes publics – soit un rapport de 3,5 pour 1. [3]

La première phase du régime d’assurance médicaments du gouvernement, prévue dans le projet de loi C-64, vise à fournir une couverture universelle pour certains contraceptifs et médicaments contre le diabète. Toutefois, la liste de médicaments proposée par le gouvernement n’est pas fondée sur des données probantes, et elle est beaucoup moins étendue que celle des médicaments couverts par les régimes d’assurance privés.

Selon les données d’IQVIA pour 2024 [4], 1,9 million de Canadiens bénéficiant d’une assurance privée devront passer au régime public pour les contraceptifs et les médicaments contre le diabète qu’ils se procurent actuellement en recourant à un régime offert par un employeur. Cela fera augmenter les coûts pour le gouvernement, sans améliorer l’accès aux médicaments pour 1,9 million de Canadiens

Selon une analyse [5] du Conference Board of Canada, 36,8 millions de Canadiens (soit 97,2 % de la population) sont admissibles à une forme ou une autre de couverture des médicaments sur ordonnance dans l’ensemble du pays, que ce soit au titre d’un régime public d’assurance médicaments, d’un régime privé collectif ou d’un régime privé individuel. La population non couverte – définie comme le nombre de personnes qui ne sont ni admissibles à un régime public ni assurées au titre d’un régime privé – est inférieure à 1,1 million de personnes, soit 2,8 % de la population canadienne.

De plus, 3,8 millions de Canadiens admissibles à un régime public ou privé ne sont en fait enregistrés auprès d’aucun régime d’assurance. Cela correspond à 10 % de la population. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la non-adhésion à un régime public, notamment la méconnaissance des programmes publics ou des critères d’admissibilité, l’absence de besoin (en raison de l’état de santé ou de la situation financière), ou des frais inabordables à la charge de l’assuré.

Ce sont ces Canadiens que le gouvernement devrait cibler pour garantir un accès équitable aux médicaments. Il n’est pas nécessaire de démanteler complètement un système qui fournit la couverture nécessaire à la majorité des Canadiens et qui leur convient très bien.

Pour aider jusqu’à neuf millions de Canadiens non assurés à accéder aux soins dentaires, Ottawa a annoncé dans le budget 2023 la création du Régime canadien de soins dentaires, déclarant que ce régime n’était « pas destiné à remplacer les prestations dentaires existantes offertes par l’employeur, un régime de pension ou [un régime] privé », mais qu’il s’agissait plutôt d’un programme visant à « combler les lacunes existantes en matière de couverture et à compléter les programmes dentaires provinciaux et territoriaux existants ».

Il serait facile de garantir l’accès aux médicaments sur ordonnance à tous les Canadiens à un coût bien moindre si l’on s’inspirait de l’approche adoptée pour les soins dentaires et si l’on collaborait avec les gouvernements provinciaux pour que faire en sorte que la petite minorité de Canadiens qui ne disposent d’aucune assurance médicaments bénéficie désormais d’une couverture. Un modèle ciblé serait plus pragmatique que l’approche actuelle, serait financièrement viable, et éviterait de priver les 27 millions de Canadiens qui disposent d’une assurance offerte par leur employeur des avantages dont ils bénéficient actuellement.

La Chambre de commerce du Canada demande instamment au gouvernement de reconsidérer son projet de système universel à payeur unique et de collaborer plutôt avec les gouvernements provinciaux et territoriaux sur une approche ciblée qui élargirait, au lieu de réduire, l’accès aux médicaments sur ordonnance dans l’ensemble du Canada.

Personne à contacter

Kathy Megyery
Vice-présidente principale, directrice générale, Québec
kmegyery@chamber.ca

Annexe – Analyse d’IQVIA concernant le projet de loi C-64, Loi sur l’assurance médicaments

Avril 2024

Résumé:

Pour tous les contraceptifs, médicaments contre le diabète et dispositifs :

  • 2 millions de Canadiens ont actuellement recours à une assurance pour des médicaments qui ne sont pas couverts par le programme fédéral; ils risquent donc de perdre cet avantage dont ils bénéficient actuellement.
  • Les dépenses des régimes privés et publics pour des médicaments qui ne sont pas inclus dans le programme fédéral se chiffrent à 2,6 milliards de dollars.

Détails:

  • Contraceptifs (oraux, DIU en cuivre et hormonaux, injections, implants, anneaux et pilules du lendemain), à l’échelle nationale:
    • Les dépenses des régimes privés se sont élevées à 213 millions de dollars, dont 168 millions (79 %) pour des produits qui figurent sur la liste ciblée de Santé Canada
    • Les dépenses des régimes provinciaux (à l’exclusion de l’Î.-P.-É.) se sont élevées à 56 millions de dollars, dont 53 millions (95 %) pour des produits qui figurent sur la liste ciblée de Santé Canada.
    • Nombre d’assurés actuels qui perdraient la couverture d’une assurance privée à laquelle ils ont actuellement recours : 205 000 Canadiens
  • Médicaments contre le diabète (insuline, sécrétagogues de l’insuline, métformine, thiazolidinediones, inhibiteurs du SGLT-2, inhibiteurs de la DPP-4, agonistes du GLP-1 et produits combinés) :
    • Les dépenses des régimes privés se sont élevées à 1,6 milliard de dollars, dont 247 millions (15 %) pour des médicaments qui figurent sur la liste ciblée de Santé Canada.
    • Les dépenses des régimes provinciaux (à l’exclusion de l’Î.-P.-É.) se sont élevées à 1,1 milliard de dollars, dont 322 millions (29 %) pour des médicaments qui figurent sur la liste ciblée de Santé Canada.
    • Nombre d’assurés actuels qui perdraient la couverture d’une assurance privée à laquelle ils ont actuellement recours : 952 000 Canadiens.
  • Dispositifs et fournitures pour le diabète (utilisés pour gérer le diabète ou contrôler la glycémie, y compris les bâtonnets diagnostiques, les capteurs de glucose CGM et FGM, les seringues, les stylos injecteurs d’insuline, les pompes à insuline, les glucomètres et les lancettes [capteurs/récepteurs]) :
    • Les dépenses des régimes privés se sont élevées à 405 millions de dollars en appareils et fournitures pour le diabète, dont aucun ne figure sur la liste ciblée de Santé Canada.
    • Nombre d’assurés actuels qui perdraient la couverture d’une assurance privée à laquelle ils ont actuellement recours : 843 000 Canadiens

Pour en savoir plus sur IQVIA.

À propos de la Chambre de commerce du Canada

La Chambre de commerce du Canada – qui représente 400 chambres de commerce et plus de 200 000 entreprises de toutes tailles, de tous les secteurs de l’économie et de toutes les régions du pays – travaille à mettre en place les conditions de notre réussite collective. Nous nous appuyons sur des relations locales étroites pour parvenir à une compréhension approfondie, qu’aucun autre réseau ne peut égaler, de ce qui se passe à l’échelle nationale. En collaborant avec le gouvernement à des politiques favorables à l’économie, qui garantissent des services déterminants pour le commerce et qui facilitent les échanges, nous procurons à chacun de nos membres plus que ce dont ils ont besoin pour réussir – à savoir de l’information sur les marchés, sur leurs concurrents et sur les tendances, la capacité d’influer sur les rendements économiques et commerciaux, ainsi qu’une influence sur les décisions et les politiques déterminantes pour la réussite des entreprises.


[1] « Estimation des coûts d’un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique », Bureau du directeur parlementaire du budget, 12 octobre 2023.

[2] Note sur l’évaluation du coût d’une mesure législative, Loi concernant l’assurance médicaments, Bureau du directeur parlementaire du budget, 15 mai 2024.

[3] « National Pharmacare will Reduce Access to New Medicine for 27 million Privately Insured Canadians », Canadian Health Policy Institute, 18 avril 2024.

[4] Voir l’annexe

[5] « Understanding the Gap », Conference Board of Canada, 6 mai 2022.

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