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La Chambre de commerce envoie une lettre à la ministre Anand concernant la proposition unilatérale de taxe sur les services numériques du Canada.

La Chambre de commerce envoie une lettre à la ministre Anand concernant la proposition unilatérale de taxe sur les services numériques du Canada.

Nous avons exprimé nos préoccupations continues quant aux intentions du Canada d’aller de l’avant avec une taxe unilatérale sur les services numériques (TSN).

Le 6 juin 2024, la Chambre de commerce du Canada a envoyé une lettre à l’honorable Anita Anand, présidente du Conseil du Trésor, pour lui faire part de ses préoccupations continues quant aux intentions du Canada d’aller de l’avant avec une taxe unilatérale sur les services numériques (TSN) qui nuira aux consommateurs et aux entreprises du Canada en augmentant le coût des affaires dans un contexte économique déjà précaire.

La lettre souligne que la TSN va à l’encontre des engagements pris par le Canada dans le cadre inclusif sur le BEPS de l’OCDE/G20, qu’elle sape les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis et qu’elle pourrait déstabiliser à la fois le marché canadien et l’environnement fiscal international.

Lisez le texte intégral de la lettre ci-dessous.


L’honorable Anita Anand, C.P, députée
Président du Conseil du Trésor
Chambre des communes
Ottawa, ON K1A 0A6

OBJET : Proposition unilatérale du Canada concernant la taxe sur les services numériques

Madame la Ministre,

Je vous écris au nom de la Chambre de commerce du Canada pour vous faire part de notre inquiétude persistante face à l’intention du Canada d’aller de l’avant avec une taxe unilatérale sur les services numériques (TSN) qui portera préjudice aux consommateurs et aux entreprises canadiennes en augmentant les coûts des activités commerciales dans un climat économique déjà précaire.

Renforcer la coopération bilatérale en matière de commerce et de réglementation revêt une importance particulière à l’approche du prochain examen de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui aura lieu en 2026. Alors que le Canada et les États-Unis déploient des efforts de coopération pour trouver des solutions aux irritants bilatéraux communs susceptibles d’entraver le bon déroulement du processus d’examen de l’ACEUM, la TSN reste au cœur de leurs préoccupations.

La Chambre de commerce du Canada représente un large éventail d’entreprises qui investissent considérablement au Canada et dont les chaînes d’approvisionnement transcendent la frontière. Les entreprises, en dehors des services numériques et dans l’ensemble du monde, continuent de nous décrire l’impact direct que pourrait avoir cette taxe proposée et le risque de représailles commerciales dommageables qui en résulterait.

Aller de l’avant avec la proposition actuelle du Canada concernant la taxe sur les services numériques non seulement nuirait directement aux relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, mais irait également à l’encontre des engagements du Canada à l’égard du cadre inclusif sur les BEPS de l’OCDE et du G20 et de l’approche multilatérale de longue date sur les questions connexes.

L’approche autonome du Canada pour imposer une TSN entraînerait non seulement une discrimination à l’égard des entreprises américaines, mais elle contreviendrait également aux obligations du Canada en vertu de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

De plus, la proposition de TSN du Canada ressemble remarquablement à la taxe de la France, que le représentant américain au commerce a jugée comme étant une taxe « discriminatoire » et pouvant faire l’objet d’une action en vertu de la section 301 de la loi sur le commerce de 1974.

Le gouvernement américain s’est clairement et systématiquement opposé à la proposition de TSN. Plus récemment, cela s’est traduit par des engagements de la part de la représentante américaine au commerce, Katherine Tai, et de la secrétaire d’État au Trésor, Janet Yellen, ainsi que par des lettres bipartites et bicamérales émanant de membres du Congrès américain. L’ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen, a déjà prévenu que si le Canada mettait en place une TSN, les États-Unis n’auraient d’autre choix que de prendre des mesures de représailles. Nos membres défendent depuis longtemps des relations commerciales saines entre le Canada et les États-Unis, qui soutiennent la croissance économique et la prospérité dans tout le pays, et en cette période d’incertitude économique. Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre ces relations en péril.

Même s’il était possible de mettre de côté les implications de la TSN pour la solution à deux piliers du cadre inclusif OCDE/G20 ou pour l’ACEUM, la TSN proposée par le Canada diverge de manière préjudiciable des principes fiscaux internationaux de longue date qui soutiennent la capacité des entreprises à faire des affaires à l’échelle mondiale. Par exemple, la proposition imposerait une taxe sur les revenus bruts, ciblerait les entreprises engagées à l’échelle mondiale, appliquerait l’obligation fiscale sans tenir compte de l’établissement permanent et entraînerait une double imposition ou une imposition multiple.

La proposition canadienne comporte également des cas de rétroactivité, la loi sur la taxe sur les services numériques proposant de rendre la nouvelle taxe rétroactive à compter de 2022. Cette mesure est non seulement contraire aux normes fiscales établies de longue date, mais elle sera également perçue comme une mesure punitive et provocatrice. C’est tout simplement contre les intérêts du Canada.

Ces dispositions créeraient non seulement de l’instabilité et de l’incertitude sur le marché canadien, mais contribueraient également à déstabiliser l’environnement fiscal international. L’adoption d’une TSN canadienne risque également d’inspirer la prolifération de nombreuses TSN qui s’appliqueront aux activités des entreprises ayant leur siège à l’étranger, car d’autres gouvernements pourraient suivre l’exemple du Canada en adoptant des mesures fiscales unilatérales basées sur les recettes brutes, mais avec des champs d’application plus larges et qui se chevauchent, ce qui soumettrait les entreprises canadiennes à une imposition sans principes.

Compte tenu du temps nécessaire pour finaliser, ratifier et mettre en œuvre le premier pilier, nous vous encourageons à soutenir l’extension de l’accord de statu quo sur la TSN dans le cadre inclusif de l’OCDE/G20. Nous craignons toujours que toute nouvelle TSN ne compromette la possibilité de conclure un accord multilatéral par le biais du cadre inclusif de l’OCDE/G20, ce qui aggraverait les tensions fiscales et commerciales actuelles tout en créant de nouvelles sources d’incertitude et d’instabilité pour l’économie.

Enfin, à un moment où les Canadiens sont confrontés à une crise de l’abordabilité, cette nouvelle taxe ne ferait qu’augmenter le coût de la vie. Si elle était mise en œuvre, la TSN obligerait les entreprises et les consommateurs canadiens à payer plus cher pour les services en ligne ainsi que pour d’autres services qui reposent sur des plateformes de publicité numérique. L’exemple de la TSN française, tout aussi punitive, montre que les coûts se répercuteront inévitablement sur les consommateurs, entraînant une augmentation des prix des services consommés estimée à 2 ou 3 %. Finalement, une TSN aurait pour effet d’ajouter une pression indirecte sur les citoyens ordinaires qui doivent faire face à l’augmentation du coût de la vie. Ces questions revêtent une importance particulière pour le monde des affaires, car elles sont essentielles pour rétablir la stabilité du cadre fiscal international et améliorer l’abordabilité pour les Canadiens.

Pour veiller à la certitude et à la stabilité dont les entreprises opérant au Canada ont besoin, et pour maintenir une dynamique commerciale canado-américaine saine, nous exhortons respectueusement le Canada à retirer sa proposition de loi sur la taxe sur les services numériques et à soutenir pleinement le projet multilatéral du cadre inclusif de l’OCDE/G20. Au minimum, dissiper les inquiétudes concernant la rétroactivité en rendant la TSN effective à partir de la date de la sanction royale de la législation réduirait le nombre d’irritants commerciaux et donnerait aux entreprises la certitude dont elles ont besoin pour adapter leurs plans fiscaux.

Robin Guy
Vice-président et chef adjoint, Relations gouvernementales
Chambre de commerce du Canada

Jessica Brandon-Jepp
Directeur principal, Politique fiscale et des services financiers
Chambre de commerce du Canada

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